On leur reproche de parler mal, d'utiliser de plus en plus le langage SMS au détriment des phrases complètes à sujet-verbe-complément, au point de ne plus savoir l'orthographe correct des mots, mais malgré tout, les écouter parler peut se révéler amusant toujours, irritant souvent, passionnant parfois.
"Stylé" est un mot que j'entends au moins une fois par semaine, les années collège ayant commencé il y a deux ans chez nous. Mais la première fois où il m'a vraiment interpellé, c'était dans une publicité à la radio : "trop stylée, ta mère !". Le ton est donné : le verbe est absent et le sujet vient après l'adverbe et l'adjectif. Les jeunes l'adoptent évidemment : c'est nouveau et tellement différent des expressions châtiées des parents et des profs !
Aussi, les utilisations à l'échelle de mon foyer sont :
Avant le départ en voyage de classe - "Maman, j' peux quand même pas mettre les chaussures de randonnée pour aller danser, c'est pas assez stylé !!" Face à une telle affirmation, je ne peux que m'incliner.
A 7h30 du matin, avant de prendre le car scolaire - "Maman, il pleut pas aujourd'hui ? (...) Cool, j' peux mettre mes baskets, je vais être stylé à mort".
Et je découvre que mon fils, qui s'ennuyait à mourir les fois où je l'ai trimballé pour faire les magasins, m'emmène sans l'ombre d'une hésitation et avec beaucoup d'assurance dans celui qui vend les marques stylées : Converse ; Oxbow et autres Feyiue.
Autant le mécanisme des phénomènes de mode est facile à comprendre - la dictature des marques, l'appartenance ou non à un groupe, l'effet mouton de Panurge ; autant le mécanisme du langage me paraît plus complexe. Je veux dire par là le choix de l'expression. Car "stylé" vient de "style", du 13e siècle, lui-même de "stilus", mot latin ; la signification moderne "qui a de l'allure" est venue bien plus tard. Quand cet adjectif a-t-il été adopté par les adolescents ? Comment a-t-il acquis une déclinaison "branché" ?
Autre contexte, d'autres mots :
Mon fils prépare un devoir noté de compréhension écrite, basé sur la lecture individuelle et à la maison d'un roman historique "Le chevalier au bouclier vert" (Odile Weulersse). Pour m'assurer qu'il a bien mémorisé l'histoire, je lui demande de m'en faire un résumé verbal. Je l'écoute après avoir lu moi-même le résumé figurant au dos du livre.
Je l'ai pris de court bien sûr, mais il s'en est plutôt bien sorti ; par contre, les tics et défauts de langage se ramassent à la pelle !
Chaque explication d'un passage ou d'un événement important de l'histoire est introduite par un "en fait" prononcé "en-fai-teuh". Il y avait pas mal de "donc" aussi. Et là où j'ai eu du mal à garder mon sérieux, c'est quand il racontait que "Eléonore, fille du comte de Blois, était super-amoureuse de Thibault de Sauvigny" ou que "Rosamonde était super-jalouse de sa soeur Eléonore car elle était aussi super-amoureuse de Thibault". J'ai eu super envie de rigoler mais je me suis retenue pour pouvoir le corriger "Stoooooop ! On dit très amoureuse et très jalouse, s'il te plaît !"
Et je n'étais pas au bout de mes peines car il m'a sorti une expression qui sort de je-ne-sais-où, à laquelle je suis particulièrement allergique, mais qui malheureusement est très souvent utilisée par les jeunes et les moins jeunes : "... Barnabé, l'écuyer, était en fait à la base un marchand". Je lui ai donc vivement conseillé de bannir de son vocabulaire cette expression, à mon goût, trop populaire.
En tout cas, le langage des jeunes enrichit et fait évoluer une langue, cela fait l'unanimité. Le Petit Robert 2013 n'a-t-il pas accueilli "lol", "gloups", "comater" ou encore "à l'arrache" !?
Et dans un sens, il m'enrichit aussi car je me délecte de tous ces nouveaux mots ou expressions ramenés du collège. Un air de petite revanche sur la vie qui flotte, un petit clin d'oeil ;-)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire