Quel est votre rapport à la viande ?

Quelle étrange question ! Mais cela fait plusieurs mois qu'elle me taraudait dans la tête, pourquoi ne pas vous la poser ?

Je viens d'un pays de mangeurs de viande, principalement de bœuf, de porc, de volaille, et de poisson accessoirement. Une bonne assiette de riz (base de la nourriture malgache) doit être accompagnée et agrémentée d'un bon plat de viande. Au fil des décennies, la viande est même devenue un indice d'aisance matérielle et financière au sein d'un foyer : une famille qui ne cuisine et ne mange de la viande qu'une fois par semaine, ou par mois est qualifiée de modeste voire de pauvre ...

Dans le monde occidental, les gens sont plutôt confrontés à d'autres problématiques. A savoir la qualité et donc l'origine de la viande : le consommateur averti se demande où et comment il peut se procurer de la bonne viande à un prix correct, et non à un prix "cassé" car c'est juste illusoire ! L'impact d'une consommation importante de viande (rouge) sur la santé : un maximum de 500 g par semaine et le moins de charcuterie possible, c'est ce qui est conseillé pour réduire le risque de cancer...

Bon ! J'admets que mon billet n'est pas très drôle aujourd'hui mais plusieurs choses sont à l'origine de mes cogitations.

Le scandale de la viande de cheval de l'année dernière d'abord avec derrière, son lot de révélations dans la presse et les reportages télévisés sur la "vérité" cachée dans les plats préparés (le substitut de fromage qui n'a de fromage que le nom ; le cadavre d'une minuscule souris dans une boîte de haricots verts en conserve et j'en passe...). J'en ai fini par réfléchir à la question "Pourrai-je devenir végétarienne un jour ?".

Puis il y a ma fille dont j'observe l'évolution. Depuis sa petite enfance, elle a toujours eu une très grande sensibilité envers les animaux : elle est entourée de chiens (le nôtre et ceux des voisins), de chats, de chevaux (elle pratique l'équitation) ; elle trouve tous les animaux mignons, elle s'en occupe, les câline, les soigne mais surtout : on n'y touche pas ! Comme toutes les petites filles, elle a peur des araignées mais on n'a pas le droit de les tuer (moi qui avais l'habitude de les écraser sans pitié ni le moindre remord avec une chaussure), je dois maintenant venir à son secours dans la salle de bain parce qu'il y a une grooOOosse araignée que je dois recueillir dans un verre lequel je bouche avec du papier pour éviter la fuite de l'insecte qui doit être déposé délicatement dehors. Ouf ! Petite terroriste à sa façon, même les mouches l'été devraient être épargnées si on l'écoutait - "oui je sais que c'est sale mais la pôôôvre quand même"...

Ces 4 dernières semaines, les choses se sont précipitées, la faute à une émission célèbre de reportage télévisé - encore ! - qui a montré comment le gavage des canards pour le sacro-saint (et si bon !) foie gras se transforme en véritable torture et maltraitance animale ! Les images étaient floutées mais les commentaires, explicites ! Alors ma fille a décrété que plus jamais, elle ne mangera de foie gras. On a beau la rassurer qu'on n'en achètera plus dans les grandes surfaces mais chez l'éleveur producteur qui en fabrique artisanalement et qui respecte les animaux, notamment les canards et les oies. Non, peine perdue ! La veille du réveillon de la St-Sylvestre, elle n'a pas arrêté de râler (comme une "tête coupée" selon l'expression malgache traduite librement) pendant que nous faisions les courses : "comment pouvez-vous encore en manger ?" Et patati et patata jusqu'à m'énerver : je lui ai fait remarquer son manque de cohérence, puisque c'est comme ça, elle devrait aussi arrêter de manger du poulet, du bœuf, du porc... bref de la viande ! Nous y voilà !

Autre escalade : soucieux du bon rapport qualité/prix, nous avons profité d'une opportunité d'acheter des poules vivantes, de les tuer, plumer, nettoyer et découper en morceaux nous-mêmes. Ceci était possible avec la présence de ma mère qui a pris les choses en main ! Et moi j'y voyais un moyen de boucler enfin une tâche inachevée depuis plus de 30 ans. Je devais avoir 7-8 ans et voulais tuer mon premier poulet à la malgache, dans la cour, cuisine ou garage, les ailes bloquées sous un pied - les pattes sous l'autre pied - le cou tranché au couteau après une prière. Sauf que je n'avais pas attendu que l'animal meure complètement avant de le lâcher et c'était donc une poule à la tête tranchée et au corps saignant qui avait tressauté dans notre garage...

Avec ma mère, on a choisi de s'attaquer à ce "chantier" un jour d'école. Il y avait 7 poules et coqs en tout. Au moment où les enfants sont rentrés, tout était nettoyé, plié, rangé. Moi, j'ai enfin réussi et j'étais très contente de partager ce moment avec ma mère : sérieux mais aussi fous rires toute la journée ! Ma fille a un peu grogné (les pôôôôvres) mais c'était tout. Sauf que quelques jours plus tard, elle a trouvé des photos témoins de mon forfait dans mon smartphone : "En plus t'as pris des photos ! c'est dégueulasse ! dégoûtant !!".

Ce que je dois absolument mentionner est que nous élevons nos propres poules depuis quelques mois maintenant : un petit élevage sans prétention mais avec tout notre cœur et notre passion des animaux. A ce jour, on a 14 poules et coqs dont la plupart sont des Orpington, très jolis et bien dodus car c'est une race dont la particularité est l'abondance des plumes. C'est un spectacle de les voir courir, grandir tous les jours, ils nous procurent notre dose de bonne humeur quotidienne et depuis quelques semaines, des œufs et des œufs ! Les enfants les câlinaient, les embrassaient comme des doudous au début et le coucher des poules était un sacré rituel tous les soirs. Même moi j'ai fini par y prendre goût jusqu'à devenir responsable du lever des poules et de leur nourriture ! Et la meilleure : les 14 ont chacun un prénom !

Boycott, Coyote, Gigote, Tricote, Biscotte, Jacquotte, Mascotte, Marmotte, Chocotte, Chicote, Bougeotte, Cracotte, Compote et Cagnotte.

Et l'histoire ne s'arrête pas là car on a décidé d'élever aussi des... pigeons ! De beaux pigeons racés ! On a mis presque un mois à les apprivoiser et quand on a enfin réussi, notre chien a retrouvé son instinct de chasseur. Ce n'est pas pour rien qu'on a fait de la colombe (de la même famille) le symbole de la paix, un oiseau qui ne "dit" rien, la non-violence "personnifiée" à deux ailes et deux pattes. Donc une proie idéale pour un chien, normal : plus faible que lui. Hier il en a tué un d'un seul coup de crocs, 2 trous dans le corps du pauvre animal, fatal. Pour les enfants (mais pour nous adultes aussi), c'était le drame ! Le chien a eu la raclée de sa vie et on s'est résolu à plumer, nettoyer l'oiseau et... le manger (mon mari "on ne va quand même pas le jeter !?"). J'en ai touché un mot à mon fils qui a répondu sèchement et fermement "moi je n'en mangerai pas". Plus personne n'a "parlé" au chien qui s'est retrouvé privé de caresses et de câlins, il a passé la nuit dans le vestibule alors qu'en temps normal, il a le privilège d'un coin du lit de ma fille...

C'est fini ? Hélas non !!! Notre chien est en passe de devenir un multi-récidiviste ! Il a recommencé aujourd'hui en échappant quelques secondes à notre vigilance et s'en est pris à l'un des plus beaux pigeons, celui en bas à droite sur la photo :

La bonne nouvelle est que l'oiseau est "juste" blessé, mais l'un des trous sur son dos est impressionnant. Si on transpose la blessure à l'échelle humaine... Les enfants ont tout vu ou presque (pas le coup de crocs qui a failli être une nouvelle fois fatal). Scandale, indignation !! Deuxième raclée pour le chien qui décidément ne comprend plus rien ! Ni les enfants non plus à qui j'ai dû expliquer qu'un chien est par nature chasseur etc. On a soigné le pigeon à la bétadine, il a arrêté de saigner et a l'air de tenir sur ses pattes. Mais je croise les doigts pour demain matin.

Alors, moi et la viande, ma fille et la viande, vous comprenez maintenant ? Je me demande comment tout ça va se terminer !